Le CAF Reignier au sommet du Karthala aux Comores

Date de publication : Dec 26, 2019

Le 30 novembre dernier,

à l’occasion d’une visite dans l’île de Grande Comore (Ngazidja en shikomori), j’ai eu l’occasion de pouvoir faire l’ascension d’un sommet peu connu sous nos latitudes alpestres, le Karthala. Pour rappel l’archipel des Comores est situé entre le Mozambique et Madagascar. Il comprend 4 îles, Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. Cette dernière est restée française après un référendum qui s’est tenu en 1976 alors que les trois autres îles formaient ce qui s’appelle aujourd’hui l’Union des Comores.

Le volcan Karthala est classé dans les « volcans rouges » de type Hawaïen, c’est à dire que lors des éruptions, il peut émettre des fontaines de lave qui s’épanchent sur de vastes surfaces et vont parfois, comme c’est le cas du Karthala, jusqu’à la mer. L’accumulation de ces coulées fluides donne naissance à des cônes aux pentes très douces appelées volcans-boucliers et c’est justement une de ces longues pentes douces, du moins au début, que nous allons gravir pour atteindre les cratères par le versant Ouest.

« Last but not last », ce volcan est toujours actif et Moroni, la capitale du pays, est de temps en temps arrosée par ses cendres. La dernière éruption qui date de 2007 n’eut heureusement d’autres conséquences qu’un grondement retentissant en provenance du cratère Chagnouméni, l’un des deux cratères actifs actuellement, et une grosse frayeur pour les habitants qui craignaient, comme ce fut le cas en 1977 de voir descendre de la caldeira jusqu’à la mer des torrents de lave incandescente.

Le lac de lave présent dans le plus grand des deux cratères, le Choungou-Chahalé, depuis l'éruption de 1991 a entièrement disparu au cours de l'éruption du 16 au 18 avril 2005. Donc je sais d’avance que, sauf éruption le jour de notre ascension, je ne verrai pas le feu du diable…

Ce 30 novembre, à 4h30, je quitte donc en taxi Moroni, où j’ai pris pension dans le petit hôtel des Jardins de la Paix, et à peine une demi-heure plus tard, notre Clio bringuebalante et haletante dans les virages en épingle à cheveu nous laisse dans le village de Mvouni qui est notre point de départ.

Nous sommes trois à faire la grimpette: notre guide, répondant au nom de Chauffeur, un jeune voyageur polonais Marius et moi-même, digne représentant du CAF Reignier, auteur de ces lignes et des photos qui les accompagnent.

Notre très longue journée commence à la frontale dans une ambiance déjà chaude et humide. Nous sommes à moins de 400m d’altitude et la caldeira externe du volcan est à 2320 m d’altitude, soit plus de 1900 m de dénivelé positif devant.

La montée est régulière et facile sur une piste un peu aménagée par les villageois pour des montées en 4x4 jusqu’à mi-parcours moyennant une redevance de l’équivalant de 60 € en francs comoriens. Nous ne rencontrerons en fait aucun touriste. Les Comores restent un pays très peu fréquenté, à tort je trouve car les gens sont extras, disponibles, ouverts et justement non encore pervertis par certains mode de tourisme de masse. Notre seule rencontre sera celle, lors de notre halte après 1200 m de grimpée en 3 heures, d’une brave dame allant gratter le sol avec sa houe en vue de planter du manioc et des patates douces.

Les derniers 500m de dénivelé sont plus exigeants. Finie la pente douce et le chemin à peine marqué très rarement se faufile dans un terrain de lave qui roule sous le pied. On longe d’ailleurs une rivière de lave cristallisée, souvenir d’une éruption déjà ancienne, qu’il nous faut contourner avant d’atteindre enfin le graal… la découverte de la caldeira du Karthala, une vue superbe qui s’offre ainsi à nous à la côte 2320m alors que le GPS de Marius nous indique que nous avons parcouru plus de 15km. Il est 10h30 et la faim nous tenaille.

La caldeira, c’est une immense cuvette à fond presque plat où émergent quelques monticules, vestiges d’éruptions anciennes. Là, nous avons devant nos yeux la plus grande caldeira du monde, rien que cela… 5km de long sur près de 4 de large. Presqu’au centre on devine facilement un effondrement circulaire d’où émergent des fumées qui se mêlent aux brumes. C’est le Chagnouméni. Plus à droite partiellement dissimulé par le bord de la caldeira, c’est le second cratère, le plus grand, le Chahalé. Le fond de la cuvette scintille et forme comme des torrents de boue. En fait tout est sec et ce ne sera que lors de la saison des pluies tropicales qui s’annonce déjà que de l’eau boueuse ruissèlera dans le fond de la caldeira.

Après s’être sustenté, on repart vite pour s’approcher du grand cratère. Les nuages menacent. Pour cela, il nous faudra longer le bord de la cuvette, plonger en s’accrochant aux arbustes vers le lac de sable gris et progresser en chemin lunaire avant d’atteindre notre but, le gouffre.

Comme pour son cousin de la Réunion le piton de la Fournaise, la puissance minérale qui se dégage de cet immense entonnoir renversé est fascinante. On ne peut que croiser les doigts qu’il ne lui vienne pas l’envie soudaine de s’exprimer bruyamment… Notre guide s’installe, presque les jambes dans le vide, méditatif. Nous mitraillons dans tous les sens notre conquête, profitant des coins de ciel bleu qui nous assurent une belle lumière verticale qui tombe jusqu’aux entrailles du volcan.

Chauffeur se lève, il faut partir, retraverser la caldeira, regrimper sur les bords de la cuvette et dévaler les chemins pierreux non sans avoir préalablement délesté le sac de notre guide de sa cargaison de vache qui rit et de maquereau glissés dans des baguettes de pain bien craquantes, dégustées en admirant une dernière fois le spectacle du Karthala.

Quelques 5 heures de marche plus tard et 2 ou 3 litres d’eau ingurgités, nous regagnons le village de Mvouni non sans avoir admiré les girofliers en fleurs et surtout les arbres à litchis croulant sous les fruits protégés des chapardeurs par des pagnes colorés représentant … le président des Comores…

Retour aux Jardins de la Paix après 13 heures d’escapade. Saine fatigue et des images plein les yeux. On se donne rendez-vous avec Chauffeur pour une prochaine ascension par le versant Sud ou Est, histoire de dormir au bord des gouffres et ainsi de tenter le diable…

Pour ceux que la grimpe aventurière tenterait, les Comores, en temps de paix sociale, sont donc bien une destination à considérer. On peut y adjoindre un saut à la Réunion pour optimiser le déplacement dans l’hémisphère sud et là, ce ne sont pas les sorties montagnes qui manquent…

Bonne fin d’année 2019.

Claude Mahoudeau

En résumé : +- 2000m dénivelé ; 34 km AR; 5h30 de montée, 1h AR de plus pour le cratère ; 5h de descente.

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