Voyage dans la vallée de TSUM - Népal

Date de publication : Nov 11, 2019

Diaporama de Claude Ma.


Album de Jean-Philippe Le.

29 septembre au 13 octobre 2019

Pour ce nouveau cheminement en terre népalaise, nous avons choisi d’aller à la découverte d’une petite vallée ouverte aux étrangers il y a moins de 10 ans, la vallée « cachée » de TSUM à l’est du massif du Manaslu, un petit cap népalais dans le Tibet.

Yatra Himalaya Adventure nous a organisé ce trek en choisissant de nous faire passer, dès le début, par le village de Singla, d’où sont originaires les membres de la famille élargie de Suke, le sherpa bien connu du CAF Reignier.

Notre petite troupe se composait de 5 marcheurs hommes (la seule femme prévue à l’origine ayant désisté) dont 2 membres du CAF, et nous étions accompagnés de 3 guides/aide-guides et de 3 porteurs. L’occasion d’ailleurs pour signaler que nous avons croisé dans la haute vallée un couple de français accompagné par une jeune femme népalaise guide, ce qui, à n’en pas douter, offre des perspectives différentes quant aux contacts avec les gens rencontrés dans les villages.

Nous avons marché plus ou moins sur 175 km AR. Le dénivelé cumulé, difficile à calculer, oscille autour de 5700 m positif, 7000m négatif, avec entre 65 et 75 heures de marche.

Le village de Barpak (1950m), rejoint en véhicule 4x4 depuis Katmandu, était notre point de départ et une occasion, en mesurant les dégâts encore visibles des deux tremblements de terre d’avril et mai 2015, de réaliser à nouveau l’incroyable énergie et opiniâtreté des népalais pour refaire leurs maisons afin de se remettre à y vivre et travailler.

Outre les glissements de terrain spectaculaires, aggravés par les moussons dont celle de cette année n’arrivait pas à en finir lors de notre passage, le village de Barpak et surtout, le lendemain celui de Laprak, gardent encore les stigmates après plus de quatre années. Des parties de village ont dû être complètement abandonnées pour des raisons de sécurité.

Le premier jour de marche va nous conduire à Singla, après un passage brumeux au col de Bhosu Kang à 2815m puis la descente vertigineuse sur les dalles glissantes appréciées des sangsues, vers Laprak. Juste après le passage du col nous avons traversé un immense site de réinstallation, type camp de réfugiés, entièrement vide, censé pourtant accueillir les habitants du village de Laprak situé … 600 m plus bas… J’apprendrai à notre retour après avoir contacté le responsable d’une association d’aide au développement des écoles dans de nombreux villages de cette zone dont Laprak, que la construction de ce camp s’est décidée sans y associer les villageois…

Le passage à Singla (2360m), malgré le déluge, est un moment fort sympathique qui nous permet de rencontrer le père et la mère de Suke ainsi que sa grand-mère et aussi de goûter les fameux « momos » cuisinés par un frère de Suke.

A noter cependant que ce début de trek, un peu à l’écart du pipe-line des trekers du Manaslu, est jonché de détritus en plastic de toutes sortes, de canettes de soda et autres emballages qui gâchent vraiment le paysage… Le contrôle des déchets est beaucoup plus effectif sur les itinéraires touristiques…

Nous redescendons rapidement vers Khorla Bensi (960m) pour rejoindre l’itinéraire principal du tour de Manaslu. Notre cheminement parfois périlleux sur des escarpements de glissements de terrain va se poursuivre jour après jour en remontant la vallée du Budhi Gandaki où l’armée népalaise supervise le percement de la nouvelle piste (Certains endroits font penser à La Combe Laval au Vercors - voir les photos).

Les grimpées de hautes dalles alternent, comme dans tous les déplacements himalayens, avec les plongées abruptes vers le torrent déchainé. Les cascades jaillissent partout, immenses. Quelques rencontres surprises au détour d’une passerelle en corniche avec une compagnie de mulets ou des porteurs surchargés, des traversées de ponts suspendus dont l’un immense de plus de 300m, capable selon la plaque, de supporter 650 personnes… De nombreuses haltes sont possibles avec tea-shops à profusion et même une petite douche chaude à 45°C pour les amateurs à Tatopani.

Ce n’est qu’à la fin du troisième jour, juste avant Nyak, que l’on délaisse enfin l’itinéraire du tour du Manaslu pour nous engager dans l’étroite vallée du Sihar Khola et faire notre première halte dans la basse vallée de Tsum, à Lokpa (2240m) après avoir passé une porte symbolique aux allures chinoises…

La mousson ne nous laisse toujours pas de répit la nuit dans la basse vallée et c’est à peine si le matin on aperçoit au nord le Shringi Himal, qui culmine à 7161 m. Heureusement, en gagnant de l’altitude, le temps s’améliore rapidement et bientôt ce seront les Ganesh I, II ou III qui nous feront des clins d’œil à l’est sud-est du haut de leurs 7000 à 7400m ; des présences espérées et méritées pour notre troupe qui gravit lentement les marches conduisant à la merveilleuse vallée cachée qui nous attend…

Avant d’arriver à Chumling (2360m), les premiers chortens (dénomination tibétaine des stupas),) donnent le signal de l’entrée réelle dans le monde du Tsum. Les visages ont changé et les sourires font plisser gentiment les yeux des enfants. Nous sommes en pays tibétain. La vallée reste cependant très encaissée. Quelques villages dominent des barres rocheuses qui plongent au fond des gorges sans qu’il soit même possible d’en voir le fond. De petits champs cultivés en terrasse apparaissent, rouge d’amarante, vert de millet. Encore quelques belles pousses de cannabis sauvage près des murets humides…

La haute vallée du Tsum se protège bien. En tout cas, pour ceux qui souhaitent des chemins accrochés sur des pentes vertigineuses, on ne peut pas rêver mieux ; heureusement certains passages très exposés ont été depuis peu protégés de mains-courantes métalliques…

On grille le programme pour arriver plus haut plus vite… Nuit à Gho (2830m).

Maintenant de nombreux villages sont équipés de lodges « familiaux » dans la vallée de Tsum. Néanmoins, le nombre de lits reste peu important et il est fort à parier qu’avec le développement de la fréquentation, de nouveaux lodges voient le jour.

Ce n’est qu’au 8ème jour de notre cheminement que nous allons vraiment découvrir la vallée cachée, suspendue entre les montagnes qui conduisent là-bas au Tibet. Depuis la veille, des petits monastères apparaissaient sur les pentes. En s’approchant du col de Chhokang Paro (3033m), on entre vraiment en terre de Bouddha. Les murs interminables de manis gravés de prières bouddhiques, conduisent vers le grand village où il est dit qu’il y a plus de chortens que d’habitants, c’est dire si ceux-ci doivent être bien protégés. La vallée cultivée s’élargit. A l’ouest, on aperçoit les pentes immaculées du Baudha Himal (6662 m) qui fait partie du massif du Manaslu. Au nord, le glacier de Syakpa, descendant du Shringi Himal étincelle sous les rayons du soleil.

Au loin notre future halte à Lamagaon (3302 m) nous réserve une surprise… C’est l’inauguration d’un nouveau monastère et pour nous l’occasion de rencontrer des dizaines de personnes convergeant avec tous leurs beaux atours, à pied et à cheval, vers ce festival bouddhiste qui a attiré des foules, y compris le Rinpoché (Grand Maitre) convoyé par hélicoptère depuis Katmandu…

C’est en fait aussi le moment d’un grand festival annuel bouddhiste, le Ngyungne, où il est question de penser à la paix dans le monde. Ce détail, je l’apprendrai après mon retour…

Nous nous mêlons aux festivités, rentrons même assister aux prières, buvons le thé au beurre de yak, ce qui vaudra quelques déconvenues à certains d’entre nous… La fête bat son plein mais nous décidons quand même de poursuivre dès le lendemain pour atteindre le fond de la vallée et notre objectif, le monastère de Mu Gompa, non sans avoir été jeté un œil à la fameuse caverne aujourd’hui sanctuaire bouddhiste réputé, où Milarepa, un maître vénéré a laissé l’empreinte de son pied dans la roche.

Avant d’atteindre le monastère de Mu Gompa (3700m), nous passons auprès des villages de Nile, Chule, où l’on voit … un tracteur. « Ils l’ont amené par hélico » affirme Arjun mais je crois qu’il est chinois…

La vallée est heureuse, pleine de fleurs, de couleurs. Un immense chorten à la flèche dorée brille au loin. Des chèvres sauvages se baladent sur les rochers qui surplombent. On nous dit que des cerfs musqués sont revenus ici alors qu’ils étaient en train de disparaître. Je me demande maintenant même si une panthère des neiges ne nous aurait pas vu passer…

L’eau du torrent est laiteuse, signe que l’on se rapproche des glaciers, selon notre ami Arjun ! Encore un pont métallique et le monastère se profile au loin dans la pente.

L’arrivée est facile, même si l’on frôle les 4000m. Des yaks nous regardent, soupçonneux quand même…

Le monastère, avec ses nombreux bâtiments semble bien vide. En fait les 7 bonzes sont partis aux cérémonies de Lamagaon. On aura quand même la chance de pouvoir visiter le lieu de culte grâce la présence du bonze gardien des lieux. La bibliothèque est particulièrement fournie. En fait, Mu Gompa est un site important pour le bouddhisme himalayen et une ou deux fois l’an, des centaines de fidèles, beaucoup du Bhoutan et du Tibet, y viennent pour des cérémonies.

Derrière le monastère, un « chemin de yak » selon l’expression de notre guide Arjun, nous mène à des chortens situés à 4100m, histoire d’avoir une belle vue de la situation. La vallée au nord se sépare en deux pour gagner deux cols proches qui à 5200m donnent l’accès au Tibet, enfin à la Chine. Il est pratiquement interdit aux étrangers de se rendre là pour cause de sensibilité frontalière… Des militants de Free Tibet sont allés il y a quelques temps placarder des affiches, ce qui a fortement déplu aux militaires et même à certains villageois qui craignaient de ne plus pouvoir aller acheter leurs cigarettes en Chine…

De retour au monastère, il est temps de déguster le Dal-Bhat quotidien au réfectoire en compagnie de quelques backpackers. Certains sortiront s’inspirer de la spiritualité des lieux en profitant d’une vue imprenable sur le Ganesh II. La nuit venteuse et étoilée ne sera pas quand même pas un repos réparateur pour nous tous, le thé au beurre et peut-être l’altitude ayant eu des effets pervers sur deux d’entre nous.

Aux premières lueurs du jour, on sent que la mousson a finalement décidé d’en finir. Les hauts sommets aux pentes glacées, sont rapidement irisés par les rayons d’un soleil bienvenu. On prend notre temps avant de décider de quitter ces lieux superbes. Notre permis de Tsum est limité à quelques jours.

Mais il faut quitter et c’est un long chemin de retour qui nous attend. Le véhicule est à 7 jours de marche, à Soti Khola ou à Arughat Bazar, en fonction de la praticabilité de la piste en cette période de fin de mousson. D’abord nous retrouvons les charmants villages de pierre vive de la haute vallée du Tsum où rentrent les villageois après les cérémonies de Lamagaon, puis nous plongeons vers les gorges du bas Tsum, en n’oubliant pas de contourner, par la gauche bien-sûr, les dizaines de chortens, pour enfin rejoindre la vallée des trekers du Manaslu et la piste en construction menant aux premiers villages-bazars accessibles en véhicules.

On est alors bien loin de la vallée de Tsum dans laquelle il aurait fallu pouvoir rester plus longtemps, se mêler aux villageois si accueillants et profiter de cette atmosphère si particulière propre à cette vallée jusqu’alors encore un peu cachée, mais qui ne va pas le rester longtemps…

Merci à Yatra pour l’organisation, aux accompagnateurs Arjun, Biché et Sami, ses deux complices, à nos trois porteurs aussi discrets qu’efficaces et bien sûr aux copains Hubert, Jean-Philippe, Régis et William, pour la compagnie.

Amitiés au CAFistes de Reignier.

Claude

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